Le champ magnétique de la boussole politique, à propos de Bruno Latour

Note de lecture : Bruno Latour, Où atterrir ? La Découverte, 2017

Proposer un nouvel axe de repérage politique qui puisse remplacer l’axe local/global droite/gauche qui ne fonctionne plus, expliquer pourquoi nous avons tant de mal à comprendre que nous faisons parité des vivants, de tous les vivants. Voilà deux enjeux fondamentaux que Bruno Latour essaie de faire avancer. C’est une pensée en cours d’élaboration, qui avance pas à pas, mais nous en sommes tous là, à chercher où atterrir.
La proposition finale, décrire notre réalité vivante, pourra paraître légère, elle ne l’est pas, elle est fondamentale.

Nature ou territoire ?
La défense de la nature mobilise peu, celle du territoire enflamme les esprits. Pourquoi ? Parce que  » quand on tire le tapis sous vos pieds, vous comprenez tout de suite qu’il,va falloir vous préoccuper du plancher ».
Mais c’est souvent sur une confusion que la mobilisation fonctionne, sur une défense du local opposé au global, alors qu’il s’agit de défendre le vivant contre le non vivant. Il,ne s’agit plus de défendre des frontières, il n’y en a plus. Climat, érosion, pollution ne connaissent pas de frontières.

Les deux sens du global et du local
Le premier sens devrait être de prendre en compte tous les aspects de la réalité, sa globalité, que ce soit sur un périmètre limite ou non.
Le sens commun est la vision d’un petit groupe sur notre avenir. Rien à voir. D’autant que ces élites ont compris depuis les années 1980 qu’il n’y aurait pas assez de ressources pour tout le monde, et qu’elles devaient se créer des territoires protégés, accumuler pour elles-mêmes. Tout en faisant croire qu’elles préparaient un avenir radieux et partagé.

Du coup, tout le monde fuit, les uns vers le 1% des plus riches, les autres vers des frontières pour se protéger.
Mais concevoir le local comme un refuge à l’abri de frontières est aussi une impasse. Le,local conçu comme repli, homogénéité ethnique, nostalgie.
Le local terrestre c’est l’ensemble des êtres vivants, il est aussi mondial.

Les axes des attracteurs
Notre société fonctionne depuis le XVIIIe siècle sur un axe polarisé gauches/droite, local/global, social/économie, libéral/non libéral. Il y a quelques inversions, entre libéralisme,social et économique, mais cela ne remet pas en cause l’axe. Il y a un avant et un arrière.

Cet axe va continuer à fonctionner, mais il n’est plus opératoire pour les enjeux d’aujourd’hui. C’est l’axe vivant/non vivant, terrestre/extra terrestre, Lovelock/Galilée, attachement/détachement qui est pertinent.
L’enjeu est de reconnaître que la biosphère (Latour dit la pellicule) est elle-même vivante, réactive, qu’il faut compter avec elle. Ce que nient les partisans de l’extra territorialité de l’homme sur terre.

 » L’espace est devenu une histoire », en physique on parle de l’espace temps. « Les humains ont bien sûr toujours modifié leur environnement mais ce terme ne désignait que leur entourage…. Aujourd’hui le décor, les,coulisses, l’arrière scène, le bâtiment tout entier sont montés sur le planches et disputent aux acteurs [les hommes] le rôle principal. »
Il y a un changement de pôles, comme il y a pour la planète des inversions de pôle magnétique.

Une question d’attachement
Les tenants de la mondialisation et de l’extra territorialité « ne croient pas qu’il y ait de la vie sur terre capable de souffrir et de réagir » [sauf l’homme]…  » le point politique essentiel c’est que la réaction de la terre à l’action des humains apparaît comme une aberration aux yeux de ceux qui croient en un monde terrestre fait d’objets galiléens, et comme une évidence à ceux qui la considèrent comme une concaténation d’objets lovelockiens.

Le problème est de trouver qu’elle est la définition du progrès vers le pôle terrestre/vivant. Car on ne mobilise pas sur la fin du progrès.
Il y a encore beaucoup de découvertes à faire, mais' »dans l’enfouissement de la terre aux mille plis ». Pas ailleurs.

Système de production versus système d’engendrement
Plusieurs chapitres explorent le conflit qu’il y aurait entre les deux systèmes, liés à des valeurs différentes, liberté/dépendance, émancipation/limites. Le plus clair, encore que très rapide, est la citation suivante : » Comme si l’on inversait, une fois encore. Par une nouvelle pirouette dialectique, le projet hégélien. » (P 107).
On sait en effet que Marx a remis l’homme à l’endroit, Latour, pour suivre l’allégorie, aurait tendance non pas à le renverser de nouveau (il ne s’agit pas de remette l’Idée en tête) mais de le coucher sur le sol, pour qu’il comprenne enfin qu’il en fait partie.

Alors que faire demande Latour. « D’abord décrire » inventorier nos richesses. En effet comment défendre quelque chose que l’on ne connait pas ? Ceci rejoint une idée constante chez nous, que la méconnaissance de la botanique et de la zoologie sont une des raisons de l’insouciance des hommes. Cela rejoint aussi ce que dit le pape François dans Laudato si quand il propose de commencer par faire des inventaires de la nature. C’est ainsi que nous produirons nos attachements. « Cette étape là on ne peut pas la sauter. Pas de mensonge plus éhonté que de proposer un programme ». P 118. C’est pourquoi il propose de recommencer la démarche des cahiers de doléances de la Révolution française en lui donnant pour objet « de décrire tous les animés ».

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