Sur Laudato Si’, le jour de sa parution

Ce qui suit est un point de vue subjectif et personnel, et rapide, le jour de sa sortie pour des interventions dans les médias, sur cette belle encyclique. des analyses plus structurées viendront plus tard. Je vais vous dire d’abord ce que je retiens, ce à quoi le Pape m’appelle, nous appelle.

Il m’appelle à ralentir, « ralentir la marche pour regarder la réalité d’une autre manière » (114). En effet comment voir ce qui change si je ne m’arrête pas, comment louer la Création si je n’ai pas le temps. Mais il demande aussi de « ralentir un rythme déterminé de production et de consommation », ce qui « peut donner lieu à d’autres formes de progrès et de développement ». (191). C’est une remise en cause de l’augmentation chaque année de la productivité du travail, donc de la croissance. Ralentir dans la vie personnelle et ralentir l’économie, je crois que tout commence effectivement par là, sinon nous n’aurons pas la capacité à engager le changement, la conversion.

Il m’appelle ensuite à me convertir, à nous convertir. Le pape François ne parle jamais de « transition » écologique ou énergétique, dont on nous rebat les oreilles, mais de conversion (le terme apparaît 15 fois) et de rupture. De conversion personnelle, et de rupture de notre système économique. Les deux vont ensemble. Il nous appelle à  » oser transformer en souffrance personnelle ce qui passe dans le monde  » (19) et au niveau collectif a une « certaine décroissance » dans les pays riches …de façon à mettre  à disposition des ressources pour une saine croissance dans d’autres parties du monde (193). En voilà un qui n’a pas peur de parler de décroissance !

C’est une rupture radicale : « il ne suffit pas de concilier, en un juste milieu, la protection de la nature et le profit financier, ou la préservation de l’environnement et le progrès. Sur ces questions, le juste milieu retardent seulement un peu l’effondrement. » (194). Donc foin de la croissance verte, elle nous conduit à l’effondrement. Donc remise en cause de nos importations : »vingt pour cent de la population mondiale consomment les ressources de telle manière qu’ils volent aux pauvres, et aux futures générations » (95). Nous faisons partie des vingt pour cent, nous sommes accusés de vol. C’est un texte repris des évêques de Nouvelle Zélande, qui nous accusent, nous habitants des pays riches.

 

Enfin il m’appelle à lutter en même temps pour la justice sociale. Je trouve remarquable le parallèle que le Pape fait entre les « migrations d’animaux et de végétaux qui ne peuvent pas toujours s’adapter  » au changement du climat car le climat se déplace plus vite que les plantes, et les « plus pauvres qui se voient aussi obligés d’émigrer avec une grande incertitude » (25).

Tout cela c’est ce que je ressens, mais le Pape trace aussi des pistes d’action, qu’il nous appelle à initier, soutenir et développer.

D’abord développer une pensée écologique globale. Il nous faut développer « un regard différent, [et pour cela avoir déjà ralenti], un style de vie et une spiritualité qui constitueraient une résistance face à l’avancée du paradigme technocratique. Autrement même les meilleures initiatives écologiques peuvent finir par s’enfermer dans la même logique globalisée. » (111).

Résistance, résister à l’envahissement de la technique, dont le pape nous dit que « ce qui est en jeu dans la technique ce n’est ni l’utilité, ni le bien être, mais la domination : une domination au sens le plus extrême du terme  » (108). Impressionnant, on retrouve la pensée de Jacques Ellul : la technique outil d’asservissement, non de libération. L’exemple des OGM illustre son propos (134).

Le Pape ajoute qu’il ne faut pas « que le progrès  technologique remplace de plus en plus le travail humain, car ainsi l’humanité se dégraderait elle-même » (128). C’est une remise en cause claire de la recherche continue de la productivité par la robotisation, l’automatisation, l’usage toujours grandissant de l’énergie. D’autant que le pape soutient, dans le domaine agricole, les « communautés de petits producteurs » (112).

Enfin cette encyclique contient des éléments importants pour les négociations en cours sur le climat.

Les citoyens n’y participent pas directement, mais nous pouvons, nous devons avoir notre mot à dire dans le débat. Citons en quelques-uns :

  • Refus du marché carbone comme solution à la réduction des émissions de gaz à effet de serre, (171)
  • Reconnaissance de la dette écologique des pays riches (51),
  • Remise en cause des règles du commerce international (52) (une critique de l’OMC, des traités internationaux en cours de discussion comme le TAFTA ?)
  • Établissement d’un système de normes environnementales mondiales « qui assure la protection des écosystèmes  » (53) et (173), mais en tenant compte des problématiques locales (144).

Il y a beaucoup d’autres choses très intéressantes dans cette encyclique, d’autres parfois problématiques, mais je conclurais en soulignant l’importance mise sur les risques réels d’effondrement de notre biosphère (61) et (161), le refus d’une culture du déchet où il associe le refus de la mise au rebut des biens et des hommes (16), l’urgence d’adopter une mode de vie sobre (222), et non pas seulement un peu plus sobre. Une « croissance par la sobriété » (222), une autre façon de parler de simplicité volontaire ou sobriété heureuse. Là est toute la différence !

18 juin 2015

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