Question sur le texte de la Conférence des évêques de France, 2012

Quelques questions sur…

Enjeux et défis écologiques pour l’avenir, Conférence des évêques de France, Groupe de travail écologie et environnement, Bayard/Cerf/Fleurus-Mame, 2012

Ce petit ouvrage présente l’état actuel du consensus au sein des évêques sur les questions écologiques. Il s’appuie sur la notion de développement intégral et la recherche d’une articulation entre écologie et foi chrétienne.

Il est intéressant que les évêques se saisissent de cette question, mais si l’Eglise veut renouer avec la parole prophétique, ce sera pour plus tard. L’idéalisme philosophique règne ici en maître (changeons nos cœurs et le reste suivra), l’organisation sociale n’est pas questionnée (seulement les pratiques). Plus inquiétant, un appel à humaniser la nature renvoie à une conception anthropocentrique anti-écologique.

Solidarité et concurrence

Le début du texte apparaît assez radical : « la prise de conscience du caractère non durable de notre modèle de développement actuel et le fait que sa poursuite met gravement en danger les possibilités de vie des générations futures ».

Le texte insiste surtout ensuite sur des changements personnels : « à travers notre manière de consommer, de produire, de nous déplacer, d’habiter l’espace, nous construisons  un certain projet de vie et de société ».

 

A plusieurs reprises ce texte nous invite à passer de la rivalité à l’alliance, du rapport de forces à la solidarité. On ne peut qu’y souscrire, à titre personnel bien sûr, mais tout en se demandant ce que signifie rivalité dans le champ social. Est-ce la remise en cause de la concurrence[1] ? Ce serait un grand pas en avant, mais ce n’est écrit nulle part… Dommage.

« Pour changer notre monde, changeons nos cœurs ! ». Nos cœurs, oui, mais aussi nos structures et modèles économiques !

Cette radicalité est donc fortement atténuée, le texte ne nous dit pas comment on peut caractériser le modèle de développement actuel. Est-ce seulement notre manière de ? ou aussi des choix politiques relatifs à la gestion de la propriété, de la monnaie, des revenus du travail… ?

La seule référence au modèle économique apparaît dans l’opposition classique entre « le productivisme exacerbé » qui détruit la nature et la sacralisation de la nature. Dans ces textes le productivisme n’est jamais remis en question, seuls ses excès. C’est pourtant le fait que l’objectif principal soit de maximiser la valeur produite par heure de travail (définition de la productivité) qui engendre la course à la production, l’épuisement des ressources et le chômage.

Une vie simple

Le texte se conclut par un appel à « un changement radical de nos façons de penser, de communiquer et de nous déplacer, de travailler et de consommer. Il est temps d’associer à nouveau, goût de vivre et sobriété, usage et respect, bonheur et simplicité ! […] les plans d’action collective sont désormais nécessaires [..] pour consommer mieux, partager davantage et prévoir en solidarité avec tous les humains d’aujourd’hui et de demain ».

Consommer mieux… c’était le slogan publicitaire de Carrefour en 2010. Consommer moins serait plus juste pour la moyenne de nos pays dits développés, mais c’était sans doute prendre à la lettre l’appel à un changement radical ?

Le développement intégral, simple addition au développement dit durable ?

La notion de développement intégral, reprise de l’encyclique Caritas in veritate[2], vise à associer le développement de la société, de l’homme et le respect de la nature. Il ajoute explicitement la dimension humaine au développement durable dans lequel elle est implicite via les trois piliers (économique, social, environnemental).

Cette définition, assez générale somme toutes, rappelle celle de la croissance inclusive de l’OCDE. Juste une manière de changer les termes sans changer le système économique.

 

Humaniser la nature ?

Ce texte propose d’apprendre à « humaniser [la nature] d’une manière qui la bonifie au lieu de la détruire ».

Qu’est-ce que cela veut dire, humaniser la nature ?? La faire muter génétiquement (OGM), canaliser les fleuves, empêcher la mer de submerger les côtes, domestiquer les derniers animaux sauvages ? Respecter la nature serait un très grand progrès, l’humaniser c’est une porte ouverte à toutes les manipulations possibles.


[1] Voir Jean-Pierre Dupuy, L’avenir de l’économie, Flammarion, 2012 : « L’économie marche à la concurrence et la concurrence produit un monde très dur » (p 63).

[2] Benoît XVI, Caritas in veritate, Bayard, 2009

Un commentaire sur “Question sur le texte de la Conférence des évêques de France, 2012

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