Le lait et le miel
Dans le Deutéronome, Dieu promet au peuple Hébreu parti d’Egypte « une terre qui ruisselle de lait et de miel » (26 – 9). Un pays à moitié désertique, où les animaux broutent la lande, et où les abeilles sauvages butinent les buissons. Un pays encore préservé car habité par des nomades et des pasteurs, qui savent qu’il faut prélever avec mesure les ressources de la nature.
Et nous ? Notre pays ruisselle effectivement de lait, mais parce que récemment les agriculteurs jetaient leur lait, et les abeilles disparaissent progressivement de la planète. L’abondance de la production laitière a nécessité l’instauration des quotas dans les années 1980, leur suppression annoncée provoque des difficultés financières aux éleveurs. L’abondance non maîtrisée crée la misère.
Les abeilles meurent en masse pour des raisons encore inexpliquées et sans doute multiples, mais certainement liées en partie à la monoculture et aux pesticides. Aux Etats-Unis des apiculteurs se déplacent avec des semi-remorques de ruches pour polliniser les champs. La recherche de l’augmentation de la production à tout prix détruit la nature.
Dans cette planète en danger, il y a encore des peuples errants comme les Hébreux de la Bible, il y en aura de plus en plus. Il y a 200 millions de migrants économiques et politiques en 2009, et 300 millions de migrants climatiques sont annoncés par l’ONU. Mais quel accueil pouvons-nous leur offrir quand nous aurons détruit nos ressources ?
Moïse demande au peuple Hébreu, quand il arrivera au pays promis, de « prélever les prémisses de tous les produits du sol [qu’il] aura fait pousser » (26 – 2) pour les donner à Dieu. Quelles prémisses puis-je donner aujourd’hui ? Quels sont les produits qui annoncent l’abondance de demain ? La richesse de demain ne sera pas dans l’accumulation, le toujours plus, mais dans le mieux. Je chercherai des prémisses encore rares, du blé biologique dont la composition est en accord avec celle de mon corps, un bleuet symbole de la diversité de la diversité de la création, un arbre qui aura eu le temps de pousser. Les prémisses que je vois le plus sont ceux qui annoncent la voie du malin, les champs de monocultures de soja ou de maïs, les terres labourées dans le sens de la pente et qui précipitent leur érosion (nous perdons chaque année, en moyenne sur la Terre, une tonne de terre par hectare? Nous en manquerons bientôt).
Nous devons de façon urgente faire la paix avec la nature, arrêter de la détruire, que ce soit les animaux, les végétaux, le sol, l’eau et l’air. Comme le dit très bien Paul Acot1, « Il est illusoire de prétendre changer les rapports destructeurs des hommes à la biosphère sans changer dans le même mouvement les rapports destructeurs des êtres humains entre eux: c’est une écologie de la libération humaine qui reste à édifier. Mais en prenons-nous le chemin ? ».
Arnaud du Crest
Septembre 2009