Xavier Jaravel vient de se voir attribuer le prix du meilleur jeune économiste. Bravo. Nous avons donc regardé l’une des publications à laquelle il a contribué sur la relation entre l’emploi et la productivité puisque Le Monde met en exergue ce thème de recherche..
Cette analyse montre seulement qu’en système concurrentiel ceux qui produisent moins cher prennent des parts de marché et/ ou augmentent le volume de la consommation des acheteurs.
Ceci se fait soit au détriment des producteurs moins automatisés, donc d’autres pays puisque l’analyse se fait au niveau de l’industrie française, soit (ou et) au détriment des ressources puisque l’augmentation des achats consomme plus de ressources.
Ceci ne signifie pas que l’emploi des industries des pays moins automatisés ne diminue pas puisque l’analyse ne porte que sur un seul pays, la France..
L’analyse ne donne aucune conclusion pour les secteurs non concurrentiels, mais il est difficile d’interpréter ce point. Soit il s’agit des services aux personnes, et on ne sait pas calculer leur productivité (voir Jean Gadrey), soit il s’agit du bâtiment, dont la « consommation » dépend de bien d’autres facteurs que le prix (commande publique pour les travaux publics, conditions de prêts pour le logement, disponibilité des terrains).
Surtout cette analyse se situe dans une perspective d’accroissement indéfini de la demande, faisant fi de la question des ressources en matières premières et en énergie, elle montre même que l’augmentation de la productivité entraîne une augmentation de la consommation d’énergie du fait que l’augmentation de la production est supérieure à celle de l’efficience de l’usage de l’énergie.
Tant d’inconscience des enjeux environnementaux laisse pantois.
Est-il utile, ou pertinent, de continuer des études économétriques de type réductionniste, c’est-à-dire découpant les objets étudiés en segments, ici le rapport productivité/emploi, sans prendre en compte les autres dimensions, dont celles de l’énergie et des ressources en matières premières ? Si des études à périmètre limité peuvent être nécessaire dans le cadre d’un cursus de formation, ne sont-elles pas un obstacle à la compréhension des phénomènes économiques ?
La conclusion des travaux présentés dans l’étude que j’ai consultée serait, pour moi, non pas que l’automatisation est bénéfique pour l’emploi (du pays/secteur), mais que l’automatisation favorise une augmentation de la production (c’est l’effet rebond), donc de la consommation de matière et d’énergie, ce qui est à l’opposé des objectifs affichés pour un développement soutenable. Et que l’effet sur l’emploi serait, à volume constant, globalement négatif avec des pertes d’emploi dans les pays les moins productif et un gain d’emploi, sans doute moins important, dans les pays les plus productifs (hypothèse à vérifier).
Source Working Paper:
Philippe Aghion, Céline Antonin, Simon Bunel and Xavier Jaravel
What Are the Labor and Product Market Effects of Automation? New Evidence from France Sciences Po OFCE Working Paper, n° 01/2020.
Downloaded from URL: www.ofce.sciences-po.fr/pdf/dtravail/WP2020-01.pdf