La pyramide inversée, une vision de l’économie réelle

La pyramide inversée, Louison Cahen-Fourot, Emanuele Campiglio, Elena Dawkins, Antoine Gaudin, Erik Kemp-Benedict, (Université de Vienne, Institute for ecological economics, 2019)

On analyse habituellement le poids d’un secteur économique à sa part dans la valeur ajoutée (sa part dans le PIB), c’est-à-dire approximativement en référence au poids de la main d’œuvre employée et à l’usage du capital. Une autre façon de le faire est de mesurer ce poids à la part de la valeur des produits du secteur intégrés dans le chiffre d’affaire du secteur utilisateur, en utilisant la matrice entrées sorties de Leontief. On pourrait même en déduire que pour faire progresser un système économique il faut que la part des matières premières diminue. Mais en calculant ainsi n en mesure que ce qui est consommé à chaque étape (le travail et le capital) en supposant les matières premières comme un élément invariable (Daly, 1995).

Certains économistes ont tenté de représenter les flux physiques au cours des transformations économiques, mais comme ils ont consommés à chaque étape, la part des matériaux bruts diminue au fur et à mesure du process.

Les auteurs utilisent ici le « forward linkage » ou liaisons vers l’avant (Hirschman 1958), contribution (en valeur monétaire) d’un secteur de production à un secteur utilisateur. Avec cette méthode, appliquée à 18 pays européens, on montre que le secteur des mines est à la base de tous les autres secteurs, et que le poids d’un secteur est inversement proportionnel à sa part dans la valeur ajoutée.

Ceci montre l’importance stratégique des secteurs de base. Ceci montre également toutes les implications d’une économie basée sur des ressources renouvelables, qui mettent en question tous les secteurs utilisateurs de ressources minières (donc fossiles).

Les calculs ont été faits avec les tables IO (input output) de 2010 (disponibles sur github.com/inverted-pyramid/online_material .

Schéma de la pyramide inversee

Principaux résultats selon l’importance contributrice des secteurs en prenant les deux premiers :

  • Aucun secteur manufacturier, sauf l’imprimerie
  • Le seul secteur primaire est celui des forêts
  • Les secteurs avec le plus faible lien en avant sont ceux de la santé, services aux personnes, éducation, administration publique, qui ont aussi un taux de valeur ajoutée fort, il sont intensifs en travail.

Les liens entre secteurs permettent de faire la représentation graphique. On observe que toutes les activités dépendent des mines, nous sommes bien dans une économie de l’extraction l’extractivisme.

Cette pyramide montre bien que :

  • Toute notre économie repose sur les matières extraites du sol… Un passage à une économie durable, non extractive, remet en cause tout le système.
  • Certaines relations sont évidentes, par exemple le lien entre métaux de base, matériels électriques, produits informatiques, ou alimentation, commerce de gros,
  • D’autres sont étonnantes mais explicables, le lien entre métaux de base, autres matériels de transport, collecte et traitement des déchets, ou construction, locations immobilières, hébergements sanitaires et sociaux.
  • D’autres enfin plus difficilement explicables comme pétrole raffiné, transports aériens, services financiers et assurances.

Quand on sait que produire un KWh par des énergies renouvelables consomme plus de métaux et de béton que par des énergies fossiles, on voit l’enjeu. Le défi n’est pas seulement de sortir des énergies fossiles, il est de sortir de l’extractivisme (pour le maintien des habitats des populations humaines et la biodiversité).

 

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