Amfortas
« Je sais comme l’espoir est confortable, et comme on s’y fait, et comme on y dort au chaud, et comme on y fait de beaux rêves… […] Le temps passe… Il y a si longtemps… L’espoir en la Promesse n’est plus une planche de salut, c’est un plancher où on marche. On y campe puis on s’y installe. Et quand l’espoir est devenu un vice, il y a à l’exaucer, crois-moi, le danger le plus grave. On ne sèvre pas un ivrogne. On ne réveille pas sans précaution un somnambule sur le toit.
Kundry
Ainsi tu les méprises ! Toi ! le plus indigne de tous !
Amofrotas
Je ne les méprise pas. Ce sont des hommes.[…] Le Graal est lumière, et une lumière trop vive les effraie. Ils ont besoin d’un peu de clair-obscur. »
Extrait de Julien Gracq, Le roi pêcheur, José Corti, 1948 (pages 108-109)
Ce dialogue imaginé au temps des chevaliers du Graal, entre le roi Amfortas, gardien du Graal, et la jeune Kundry a été publié en 1948. Il s’applique malheureusement très bien à notre situation d’aujourd’hui. Nous piétinons la Promesse d’un monde promis par Dieu, nous l’abandonnons comme tremplin, nous vivons dans l’espoir que la situation s’arrangera (situation sociale et écologique). Nous sommes drogués à la croissance (ivrognes), nous marchons comme des somnambules vers le mur, vers le vide. Nous avons peur de la lumière, de la vérité, de croire vraiment en notre Créateur. De croire que la fin est possible.
La distinction entre Promesse et espoir est analogue celle que fait Jacques Ellul dans Le vouloir et le faire, paru quarante ans après, en 1964. Jacques Ellul, théologien protestant, écrivait que celui qui croit peut voir en face les menaces qui pèsent sur notre monde, les menaces que nous faisons peser sur notre monde, car nous avons l’Espérance en la Promesse de la résurrection. Celui qui ne croit pas se réfugie dans l’espoir, qui est la meilleure façon pour que la catastrophe advienne. Pourtant beaucoup de croyants se réfugient aussi dans un espoir frelaté à la croissance.
Très intéressante pour moi chrétien cette distinction entre espoir et Espérance. Je le dis souvent, il ne suffit pas de se mettre à genoux et d’implorer le ciel pour pallier à nos insuffisances, il faut analyser la situation, et retrousser les manches. C’est d’ailleurs un enseignement de St Jacques 2, 14-18, qu’il faudrait plus prendre en considération, que l’espoir d’un miracle.
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