Phillips Descola, Alessandro Pignocchi, Ethnographies des mondes à venir, Seuil, 2022
Ce dialogue entre un ethnologue et philosophe auteur de bandes dessinés trace les contours d’une autre organisation sociale, proche des aspirations anarchistes, mais profondément intégrée dans les luttes et la société actuelle. Les propositions s’inspirent fortement de la ZAD de Notre Dame des Landes, mais aussi des Zapatistes. Leur conception des territoires alternatifs comme base de résistance et de lutte donne une autre dimension aux « éco-lieux » et surtout aux ZAD.
Dix chapitres, dix façons d’aborder le sujet des mondes à venir.
1/ Définition du naturalisme, comme séparation entre humains et non-humains.
2/ Symétrisation ethnographique et symétrisation ethnologique.
3/ Critique de l’évolutionnisme. Il y a différentes façons de concevoir le monde, les relations humains et non-humains, il y a différentes façons de concevoir les relations entre l’environnement, le social et l’économie. La situation actuelle de domination de l’économie est une situation récente et très particulière, pas l’aboutissement d’une évolution inéluctable, on peut donc en sortir.
« Quand le monde va pour soi, il va de soi. » (Bourdieu) p 30.
4/ La typologie de Descola
Ce chapitre décrit la typologie de Descola, donc nous retirons quelques réflexions qui nous éclairent un peu plus.
Sur « l’analogique, tant les propriétés mentales que les dispositions physiques des êtres sont éclatées en se multiples composantes emmêlées et discontinues.[…] L’Europe a été analogique jusqu’à une époque relativement récente et nous le sommes encore en partie. L’exemple le plus évident est peut-être l’astrologie qui dessine de analogies entre les dispositions mentales et physiques des humains et des phénomènes cosmiques. » p 61
Pignocchi établit un lien entre le retour à la terre et le totémisme, en expliquant que le totémisme correspond à un retour à la terre progressiste, qui inclue, alors que le retour à la terre réactionnaire exclut celui qui vient d’ailleurs. P 63.
5/ Réflexions sur la ZAD où Pignocchi a introduit Descola.
6/ L’économie.
La relation entre naturalisme et capitalisme est ici bien explicitée. « Dépasser le naturalisme c’est extraire au moins en partie les plantes, les animaux et les milieux de vie de la catégorie des objets… » p 82.
L’origine de notre système économique, au XVIIIeme siècle, c’est « la création d’un marché généralisé de la terre et de la main d’œuvre » p 83. La mise en relation des deux est très éclairante.
Le système capitaliste acquiert la qualité de réalité naturelle par une sorte d’analogie avec la nature qui est devenue un principe génératif analogue à Dieu, comme la physique ou la chimie. L’humain et le non humains étant devenus des valeurs marchandes, le capitalisme apparait comme le système naturel d’organisation.
Les non-humains deviennent des alliés dans la confrontation au capitalisme : plantes sauvages insensibles aux herbicides, animaux sauvages protégés, intérêts communs des ouvriers de Fleury-Michin, des cochons et des tourbières gorgées de nitrates.ce sont des géoclasses associant humains et non humains, « une Internationale anticapitaliste inter-espèces « p 85.
Est-ce les hommes qui possèdent la terre, ou la terre qui possède les hommes comme chez les Are are de l’île mélanésienne de Malaita ? P 90.
7/ Critique de la monnaie comme équivalent général.
8/ Limitation du temps de travail et non accumulation
9/ Pistes pour une nouvelle organisation territoriale
Ce chapitre est renouvelé ma réflexion sur les éco-lieux et les ZAD, présentes comme des lieux de lutte contre le système capitaliste, mais sans vouloir pour autant l’éliminer complètement. C’est plutôt une perspective de société composite, avec des échanges entre les deux système, le système dominant pouvant utiliser l’autre comme soupape. C’est « la fuite offensive » contre le capitalisme, qui pourrait même accentuer les difficultés de recrutement, donc la production ?
Cette coexistence a existé dans le passé, elle n’est pas actuellement possible car le capitalisme a une vocation impérialiste et les rêves de renversement révolutionnaires ont montré leurs dangers et leurs limites, hégémonique, mais c’est peut-être une issue possible, face à la force du capitalisme international. En attendant un effondrement possible, mais pas certain. Voir le Chiapas zapatiste. Pour James Scott la cohabitation entre territoires autonomes et structures de type étatique a toujours été la règle jusqu’à l’époque moderne.
Et l’on en revient à la dédivision du travail.
La perspective c’est donc non pas la prise du pouvoir, mais la fragmentation de l’Etat, consentie par l’Etat lui-même. Sans détruire tous les systèmes de solidarité existants par exemple pour la santé, la retraite, ou même le RSA.