Retraites et difficultés de recrutement, tout un débat

Nous sommes face à trois phénomènes à traiter ensemble. Les tensions au recrutement, durables et croissantes, quelle que soit la conjoncture, la baisse de la natalité, durable également, le mode de production, dont la durabilité est remise en cause.

Sur la période 2019-2030 le nombre des jeunes en âge d’entrer sur le marché du travail sera de 765 000 par an, le nombre de départs à la retraite de 830 000 par an. Un écart de .65 000 postes par an, qui pourrait être comblé par l’immigration. Mais les déséquilibres par métiers, dans une situation globalement assez tendue, demeureront.

Selon une récente étude la France manquerait de salariés en 2030. Déjà en 2022 le nombre de postes non pourvus par difficultés de recrutement était estimé à plus de 400 000. Et pourtant la France compte plus de 5 millions de chômeurs. Cette contradiction est bien connue, depuis plus d’un demi-siècle, et peut être expliquée par les conditions d’emploi, le système éducatif, le système de protection sociale. Ce qui est nouveau c’est que nous entrons dans un régime stable, constant, de postes vacants par difficultés de recrutement. Jusqu’à présent ces difficultés étaient temporaires, cycliques (récemment 1990, 2007, 2019…).

Mais pourquoi le déséquilibre entre les générations quittant le travail et les jeunes générations pose autant de problèmes ? Pas seulement l’équilibre du système des retraites, mais l’équilibre du système de production.

Sur le système des retraites, on peut agir sur trois facteurs pour le rééquilibrer. Travailler plus longtemps, augmenter le taux d’emploi des seniors dont quittent leur poste avant l’âge de la retraite en étant au travail, augmenter le flux entrant par l’accès au travail des migrants. Ceci pose la question des conditions de travail et d’emploi.

Pour le système économique, il faut distinguer le secteur de la production de biens et les services. Nous pouvons, nous devons, réduire la production de biens pour des raisons environnementales. Ceci réduirait d’autant les tensions au recrutement. Cela entraînerait des diminutions d’emploi dans ces secteurs, ou un ajustement de l’emploi aux capacités de recrutement, donc un ajustement (à la baisse) de la production. Il n’y a que des avantages à en attendre d’un point de vue environnemental.

En revanche les besoins de service augmentent dans le domaine de la santé (mais pourraient être limités par une meilleure politique de prévention) et des soins aux personnes âgées. Ces soins doivent-ils être assurés par des salariés, ou peut-on développer les aidants familiaux, à condition de leur assurer un revenu suffisant ? Des migrants refusent de travailler dans ce secteur car pour eux ce n’est pas moral. Chez eux on ne laisse pas les vieux parents seuls, la famille les prend en charge. Chez nous aussi il n’y a pas si longtemps les enfants s’occupaient de leurs parents.

Il y a deux obstacles principaux à remettre en place ce type de solidarité. L’éclatement des familles dont les enfants vont travailler au loin et la tension sur le logement. Le premier rejoint la proposition de délocaliser l’économie, délocaliser le couple production-consommation, mais aussi délocaliser la main d’œuvre. Le second pose les questions de la propriété du foncier d’une part (voir les Offices fonciers solidaires), de l’augmentation constante de la surface habitée par personne. On peut vivre plus nombreux et correctement avec moins de surface bâtie.

On ne résoudra pas la question des difficultés de recrutement sans remettre en question notre système économique et social. La question de l’équilibre du régime de retraites en dépend largement, ce sont donc d’abord les conditions d’emploi qu’il faut changer. En effet, s’il y a plus de personnes en emploi, il y aura plus de cotisants, donc moins de déséquilibre, pas nécessairement en travaillant plus longtemps, mais en étant plus nombreux à travailler.

Sources et références

https://dares.travail-emploi.gouv.fr/publication/les-metiers-en-2030-quels-desequilibres-potentiels//

https://dares.travail-emploi.gouv.fr/publication/quelle-relation-entre-difficultes-de-recrutement-et-taux-de-chomage

Arnaud du Crest, Les difficultés de recrutement en période de chômage, L’Harmattan, 2001

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