Les pauvres doivent avoir tout leur place dans le processus de la conversion écologique, mais l’idée reçue est que la conversion écologique c’est pour les riches. La question est mal posée.
Les actions individuelles sont essentielles pour transformer nos pratiques, mais ne pourront influer que pour un quart des changements à faire.
Mais ce sont les actions collectives et politiques qui feront les trois quarts des changements pour la conversion écologique. Source Carbone 4 Faire sa part.
Voir le pape François, Laudato Deum : « 69. J’invite chacun à accompagner ce chemin de réconciliation avec le monde qui nous accueille, et à l’embellir de sa contribution, car cet engagement concerne la dignité personnelle et les grandes valeurs. Toutefois, il faut être sincère et reconnaître que les solutions les plus efficaces ne viendront pas seulement d’efforts individuels, mais avant tout des grandes décisions de politique nationale et internationale. »
C’est donc une erreur de faire peser sur les individus l’essentiel des efforts pour la conversion écologique. Une erreur volontaire des grandes entreprises et de l’État qui masquent ainsi leurs propres responsabilités. Quelques illustrations.
Déplacement : l’incitation à changer pour une voiture à propulsion électrique.
Une voiture à propulsion électrique n’est moins émettrice de GES (gaz à effet de serre) que si l’électricité qui sert à rechercher les batteries est décarbonée ou peu carbonée (nucléaire). C’est généralement le cas en France mais pas en Allemagne ou en Grande-Bretagne ou les voiture à propulsion électrique émettent donc plus de GES que les voitures à moteur thermique.
Le moyen le plus simple et économique de diminuer ses émissions de GES est de rouler moins vite (un optimum de 70 à 80 km/h), ou de prendre le train.
Le train est plus cher que la voiture car la SNCF doit payer l’entretien des voies (redevance à Voies ferrées de France) alors que l’entretien des routes est payé par l’impôt.
Une voiture à propulsion électrique a besoin de beaucoup plus de métaux qu’une voiture thermique, et contribue plus à l’épuisement des ressources.
Voiture thermique : 22 kg de cuivre, 11 kg de manganèse
Voiture électrique : 53 kg de cuivre, 24 kg de manganèse, 9 kg de lithium, 40 kg de nickel, 66 kg de zinc, 0,5 kg de terres rares. Source Agence internationale de l’énergie/ La Croix hebdo 30 septembre 2022.
Les batteries nécessitent des métaux dont l’extraction et le traitement utilisent beaucoup d’eau et de produits chimiques pour les purifier, qui polluent les sols et cours d’eau des pays producteurs.
Plus d’information : Carbone 4.
Alors pourquoi cette course aux voitures électriques plutôt que de soutenir et développer le réseau ferroviaire. Peut-être parce que cela permet de relancer la vente de voitures dont le marché commençait à saturer ?
Alimentation : les plus pauvres n’ont pas les moyens d’acheter des produits bio. C’est souvent vrai, pourquoi ? Parce que l’essentiel des aides financières sont versées à l’agriculture chimique, qui sont exonérés de payer pour les dégâts provoqués par les pesticides, autorisés à utiliser des herbicides dangereux, des engrais chimiques qui émettent des GES.
Les aliments de l’agriculture chimique devraient donc être plus chers.
Les pauvres pourraient-ils alors encore payer leur alimentation ?
C’est une question politique. Lors de la révolution industrielle le choix a été fait de subventionner l’agriculture pour que les industriels puissent payer des salaires bas. Le prix de l’alimentation est un choix politique, pas technique.
Logement : beaucoup, et pas seulement les pauvres, n’ont pas les moyens de faire les travaux d’isolation de leurs logements, de changer leur chaudière.
L’État pourrait-il plus les aider ? Oui, l’augmentation du budget de l’Etat est orientée majoritairement vers le financement des entreprises, non spécifique (qu’elles émettent ou non des GES), il faut donc réorienter les aides de l’État. Voir Anne-Laure Delatte, Droit dans le mur :
les aides aux entreprises représentent près de 80% de l’augmentation totale du budget de l’État (évalué en % du PIB) entre les périodes 1995-2009 et 2010-2021. Ces aides, directes et indirectes, représentent 24 % des dépenses de l’État en 2021.
Achat de biens : nous devrions choisir ses biens plus durables, plus réparables, et les réparer. Il y a une petite avancée avec des aides à la réparation et l’obligation du nouvel article L. 111-4 du Code de la consommation d’information sur la période ou la date de disponibilité des pièces détachées (mais de durée minimale imposée !). Ill faut aller plus loin. Introduire une durée minimale de mise à disposition des pièces détachées, limiter la publicité pour limiter les achats, rendre obligatoire l’éco -conception (réparabilité, durabilité).
Services : La nouvelle génération de services téléphoniques et internet portable par la 5G sera plus couteuse que la 3G et la 4G. Et risque de devenir incontournable. C’est un choix politique, qui pourrait être évité. Il est encore temps si l’on se mobilise.
Conclusion : nous avons tous notre part, pauvres et riches, dans la mobilisation nécessaire, vitale, pour imposer des conditions de production et de consommation (et non l’inverse) qui soient cohérentes avec l’écologie intégrale.