Dématérialisation et découplage de l’économie

Est-il possible de continuer la croissance (du PIB) en réduisant la consommation de ressources supplémentaires (ce que l’on nomme le découplage relatif) ou en diminuant la consommation totale de ressources (découplage absolu) ?

Pour les uns la technologie et la croissance de la productivité devraient permettre ce découplage, pour d‘autres c’est illusoire. Mais comment se faire une opinion, au-delà du constat actuel qu’il y a un léger découplage au niveau des pays développés, mais aucun au niveau mondial. Il y a en fait transfert des activités fortes consommatrices d’énergies fossiles et de matières premières vers les pays les moins développés). Constat irréfutable, mais la foi des partisans de la technologie ne faiblit pas pour autant.

Un économiste s’essaie à démontrer que, de manière théorique, le découplage est impossible, sauf un découplage relatif pendant de courtes périodes d’adaptation.

Son raisonnement, appuyé sur une série d’équations que nous ne reprenons pas ici, consiste à considérer les variables suivantes :

  • La productivité des ressources définie comme la valeur créé à partir de ces ressources. C’est par exemple l’EROI pour l’énergie (Énergie Return On Investment). À ne pas confondre avec la productivité du travail,
  • La part du coût des ressources dans le PIB,
  • La capacité de production des ressources (quantité pouvant être extraite par année par exemple),
  • Le PIB,
  • L’élasticité du prix des ressources par rapport aux capacités d’extraction..

Il montre que la productivité des ressources augmente proportionnellement à la différence de croissance entre le PIB et la capacité de ressources, affectée d’un coefficient lié à l’élasticité du prix des ressources par rapport au taux d’utilisation des capacités, coefficient inférieur à 1 (l’élasticité est supérieure à 1, le coefficient est égal à e/1+e).

En d’autres termes, plus la capacité des ressources diminue, plus la productivité augmente. Normal. Mais moins vite que le PIB. Pourquoi ?

Cette théorie est élaborée dans le contexte des théories post keynésiennes :

  • le prix des ressources est déterminé par le rapport offre demande dans un contexte de production limitée, il peut varier très rapidement,
  • Le prix des produits transformés est fonction du coût de production, des relations inter secteurs (la chaîne de valeur), de la marge. Il est fixé sur une période assez longue, au moins un an, et dépend peu de la demande.

L’auteur montre que le rapport entre la part des ressources dans le PIB et le taux de croissance de la productivité des ressources tend vers un niveau stable, où la croissance de la productivité des ressources est inférieure à celle du PIB. En effet si la croissance de la productivité des ressources était supérieure à celle du PIB, cela signifierait une diminution de la part de la valeur des ressources dans le PIB, induisant une demande de ressources supplémentaires, puisque bon marché, qui induit à son tour une augmentation du prix de ces ressources.

On peut constater un découplage relatif, une diminution de la croissance des ressources nécessaires pour augmenter le PIB, mais pas de découplage absolu, qui serait une diminution des ressources par rapport au PIB,

Un découplage absolu suppose non pas une taxe sur les ressources, mais un prix des ressources qui varie en fonction du taux de dématérialisation choisi (variation de R), alors la variation du prix des ressources devrait évoluer ainsi

Var prix des ressources = var PIB – var diminution de la demande de ressources

Le prix des matières premières et de l’énergie fossile doit augmenter en fonction de l’objectif de réduction de l’utilisation des ressources. Cette thèse post keynésienne s’oppose à la thèse dominante néo-classique selon laquelle c’est en ajoutant une taxe carbone, des prix d’émissions, calculés en fonction du coût social du carbone, les résultats ne sont pas probants.

L’auteur ne traite pas de la relation entre productivité des ressources et productivité du travail. La hausse de la productivité des ressources s’accompagne-t-elle d’une hausse, ou d’une baisse de la productivité du travail ? Notre thèse est d’une baisse de cette dernière, mais qu’en pense l’auteur de cet article ?

Source

Dematerialization, Decoupling, and Productivity Change
Eric Kemp-Benedict August 2017
Post Keynesian Economics Study Group
Working Paper 1709

http://www.postkeynesian.net/downloads/working-papers/PKWP1709.pdf

 

Un commentaire sur “Dématérialisation et découplage de l’économie

  1. A propos de découplage :
    Trois chercheurs vous donnent raison, dans une tribune du Monde.
    Tribune
    Collectif
    Dans une tribune au « Monde », trois chercheurs, François Briens, Timothée Parrique et Vincent Liegey, expliquent qu’il faut en finir avec le mythe de la croissance verte, car les études scientifiques montrent que l’on ne peut à la fois faire croître le PIB et baisser l’empreinte écologique.
    « Quels que soient les impacts environnementaux considérés (consommation de matières premières, d’eau et d’énergie, émissions de gaz à effet de serre, biodiversité, etc.), les rares cas de découplage observés jusqu’à présent apparaissent tous largement insuffisants. » KIM BASCHET / LE MONDE
    Leur conclusion :
    Dans cette perspective, les propositions et les expérimentations portées par les acteurs des réseaux de la décroissance, mettant par exemple l’accent sur la frugalité, le sens des limites, la convivialité et le partage (du travail, des ressources et des richesses) au travers de modèles socio-économiques alternatifs, méritent toute notre attention. Elles ouvrent des pistes pour la construction collective d’un avenir souhaitable et soutenable, au sujet duquel il est grand temps d’engager un véritable débat, et pour ce faire, de libérer des ressources, des espaces et du temps.

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