Ravage de notre monde

René Barjavel, Ravage, Denoël, 2023 (1943).

C’est un ouvrage qui a ouvert la voie de la science-fiction en France, et qui n’a pas vieillit. Pas du tout. Nous en retenons trois thèmes, dont il est impressionnant que Barjavel en ait eu une perception aussi lucide.

L’expulsion des immigrés

Les pays riches expulsent les immigrés qu’ils ont fait venir, car  » jugeant que ces ´sales nègres’ devenaient trop nombreux, faisaient concurrence à la main d’œuvre nationale, et menaçaient la sécurité intérieure, ils voulurent se débarrasser de ces hommes dont ils n’avaient plus besoin. Ce fut la tragédie de 1978, les immenses convois de navires transportant un peuple arrache une fois de plus à ses foyers… » (p. 83).

Le progrès technique

« Les hommes ont libéré les forces terribles que la nature tenait enfermées avec précaution. Ils ont cru s’en rendre maîtres. Ils ont nommé cela le Progrès. C’est un progrès accéléré vers la mort […] parce que le progrès moral de des hommes est loin d’avoir été aussi rapide que le progrès de leur science, ils tournent celle-ci vers leur destruction  » (pp. 85-86).

 » Le cataclysme qui faillit faire périr le monde [avait été provoqué parce que] les hommes avaient voulu épargner leur peine. Ils avaient fabriqué mille et mille et mille sortes de machines. Chacune d’elles remplaçait un de leurs gestes, un de leurs efforts. Elles travaillaient, marchaient, regardaient, écoutaient pour eux. Ils ne savaient plus se servir de leurs mains. Ils ne savaient plus faire effort, plus voir, plus entendre. Autour de leurs os, leur chair inutile avait fondu. Dans leurs cerveaux, toute la connaissance du monde se réduisait à la conduite de ces machines. Quand elles s’arrêtèrent, toutes à la fois par la volonté du Ciel, les hommes se trouvèrent comme des huîtres arrachées à leur coquille. Il ne leur restait qu’à mourir… » (pp. 309-310)

Le déni du danger

« Tout va redevenir normal d’une minute à l’autre. » (p. 101).

« Cet état de chose ne peut pas durer, vous le comprenez bien. Les pouvoirs publics sont certainement en train de prendre déjà les mesures nécessaires. Ne vous inquiétez pas.ils ne peuvent pas laisser longtemps une ville privée de force et de lumière. » (p. 108).

Beaucoup d’autres thèmes sont évoqués qui touchent par exemple à l’urbanisme, aux maladies mentales, mais ces trois thèmes sont d’une brûlante actualité. En particulier la critique du progrès ne peut-elle pas directement s’appliquer à l’intelligence artificielle ? Ce qui est positif dans cette histoire, contrairement à d’autres récits de science-fiction, c’est que les survivants du cataclysme ont réussi à faire renaître une société humaine, plus égalitaire, plus juste, plus robuste dirait Olivier Hamant.

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