L’eau de la Bible à aujourd’hui

Introduction

L’eau sourd dans de nombreux livres de la Bible. L’eau est un élément essentiel de la vie, à l’origine même de la vie. Une relecture de la Bible du point de vue de l’eau donne une vision globale, panoramique pour ainsi dire, d’un élément qui a toujours été vital, qui était souvent critique il y a 2 000 ans, qui l’est de nouveau aujourd’hui.

La Bible décrit d’abord l’eau des origines, l’eau des océans (Gn 1), que Dieu sépare des cieux, qui se retire pour laisser émerger les terres. Puis viennent l’eau des fleuves (Gn 2) et de la pluie, qui nourrit la terre, qui est source de vie. Une eau qui peut aussi être dangereuse comme le déluge. L’eau (douce) qui lave et purifie, l’eau du baptême qui nous fait enfants de Dieu, mais aussi qui se transforme en vin (ou en sang). L’eau qui étanche la soif, Celui qui boira de l’eau que je lui donnerai n’aura plus jamais soif (Jn 4, 14). L’eau dangereuse que l’on retrouve dans la tempête que la mer de Galilée mais qui obéit à Dieu, Quel est donc celui-ci, à qui obéissent même le vent et la mer ? (Marc 4, 41), dont les créatures sont dangereuses comme la baleine qui avale Jonas. Mais une eau que couve l‘esprit de Dieu, une eau qui se retire pour faire passer le peuple élu vers la Terre promise. Enfin l’apocalypse décrit une mer qui disparaît pour faire place à un fleuve limpide comme du cristal (Apo 22, 1).

L’eau est un appel à la conversion, c’est un passage vers la Terre promise, le passage de la mer Rouge avec Moïse, du Jourdain avec Josué. Le panorama est large, nous ne reprenons ici que les thèmes qui résonnent le plus avec les enjeux d’aujourd’hui.

L’eau abondante et rare

Dans la Bible l’eau est soit suffisante, soit rare, mais jamais abondante sauf lors du déluge (qui ne se produit pas en Israël mais en Mésopotamie). Le peuple hébreu réclame très souvent de l’eau (Nb 20, 1-11) au cours de l’Exode.

Une fois à Jérusalem, c’est un sujet sensible. Jérusalem a été construite sur un territoire très sec, traversé par un maigre cours d’eau, le Gihon. C’est autour de ce point d’eau que des populations sédentaires se sont installées il y a environ 4 000 ans. Le roi Salomon aurait fait creuser une réserve d’eau entre Bethléem et Hébron, reliée à Jérusalem par un aqueduc[1]. Ezechias a fait creuser un tunnel toujours visible pour capter une source distante de 500 m. (Ben Sira le Sage, 48, 17).

C’est aussi un moyen stratégique, utilisé dans la guerre contre les rois d’Assyrie (Chroniques, II, 32, 2-4).

Il n’y avait point d’eau pour l’assemblée; et l’on se souleva contre Moïse et Aaron. Le peuple chercha querelle à Moïse. Ils dirent: Que n’avons-nous expiré, quand nos frères expirèrent devant l’Eternel? Pourquoi avez-vous fait venir l’assemblée de l’Eternel dans ce désert, pour que nous y mourions, nous et notre bétail? Pourquoi nous avez-vous fait monter hors d’Egypte, pour nous amener dans ce méchant lieu? Ce n’est pas un lieu où l’on puisse semer, et il n’y a ni figuier, ni vigne, ni grenadier, ni d’eau à boire. Nb 20, 2-5.

Mettez-moi de la sorte à l’épreuve, Dit l’Eternel des armées. Et vous verrez si je n’ouvre pas pour vous les écluses des cieux, Si je ne répands pas sur vous la bénédiction en abondance. Malachie, 3, 10

Ezéchias fortifia sa capitale ; il amena l’eau à l’intérieur de ses murailles, il fit creuser un tunnel dans le roc et fit construire des bassins pour les eaux. Ben Sira le Sage, 48, 17.

Ézéchias, observant que Sennachérib, en arrivant, se proposait d’attaquer Jérusalem, décida avec ses officiers et ses preux d’obstruer les eaux des sources qui se trouvaient à l’extérieur de la ville. Ceux-ci lui prêtèrent leur concours et beaucoup de gens se groupèrent pour obstruer toutes les sources ainsi que les cours d’eau qui coulaient dans les terres : “Pourquoi, disaient-ils, les rois d’Assyrie trouveraient-ils à leur arrivée des eaux abondantes ?” (Chroniques, II, 32, 2-4, cité par Vincent Lemire[2]).

Les thématiques bibliques sont toujours présentes aujourd’hui, l’excès et la pénurie d’eau, son besoin vital et son usage pour la guerre.

Excès et pénurie d’eau

L’eau est à la fois rare et trop abondante, nous sommes dans une période de réchauffement global, mais aussi de dérèglement climatique, sécheresse et inondations sont plus fréquentes, comme le montre l’indicateur eau des Neuf frontières de la planète[3]. On distinguera ici l’eau bleue, l’eau qui coule et celle des océans, et l’eau verte, qui irrigue le sol.

L’indicateur d’excès pour l’eau bleue dans les cours d’eau (5 % en plus ou en moins) a doublé entre la période préindustrielle (1661-1860) et la période contemporaine (1996-2005). Pour l’eau verte l’indicateur est une humidité des sols soit supérieure à 95 % soit inférieure à 5 %. Cet indicateur a augmenté de 50 % sur la période contemporaine.

Notre consommation

Nous consommons 148 litres d’eau par personne et par jour (2024) ce qui correspond à 3 Milliards m3 par an. Mais c’est une part minime par rapport à notre consommation totale : 22 Milliards liées à la production (alimentaire, énergétique, industrielle…) et 15 Milliards m3 d’importations (eau intégrée aux aliments, métaux et minéraux, vêtements…).[4]

Des communes sont déjà en pénurie d’eau l’été, le prélèvement d’eau dans la Loire devient critique à cette même période. C’est notre consommation qu’il nous faut interroger, autant que notre incapacité à préserver la ressource.

La guerre par le contrôle de l’eau

Le contrôle de l’eau est un des grands enjeux du conflit entre Israël et la Palestine. Quelques dates[5] :

En 1953 Israël entreprend la construction du « National Water Carrier » à partir du nord du Lac de Tibériade qui lui permet de détourner vers elle la majeure partie du cours d’eau. En 1967 la « guerre des six jours » permet à Israël de contrôler la totalité des ressources en eau, c’est-à-dire : le Golan,; une partie du cours du Yarmouk,  le plus grand affluent du fleuve Jordan ; les trois grandes nappes aquifères de Cisjordanie.

En novembre 1967[6], les autorités israéliennes ont promulgué l’Ordonnance militaire 158, selon laquelle les Palestiniens ne peuvent pas construire de nouvelles infrastructures hydrauliques sans obtenir au préalable un permis délivré par l’armée israélienne.

En 1995, suite aux accords d’Oslo, Israël s’est vu attribuer 80 % de l’eau provenant de l’aquifère de montagne, selon Michaël Lynk, ancien rapporteur spécial de l’ONU sur la situation des droits humains dans les territoires palestiniens occupés. Le Jourdain, fleuve qui relie les montagnes du Liban à la mer morte, est détourné à 95 % par les Israéliens, selon Amnesty International.

Le conflit Israël Palestine n’est que l’un des conflits sur l’eau, mais il a lieu en « Terre Sainte ». D’autres conflits sont latents, qui n’ont pas débouché sur des guerres, entre l’Egypte et l’Ethiopie, des régions d’Espagne… L’eau, facteur de paix ou de guerre ? Cela dépend des hommes, cela dépend de nous.

L’eau un bienfait et un danger

La peur de l’eau

« Il y a toujours une dichotomie des tonalités de notre expérience du monde, négative et positive. L’eau est à la fois ce qui rafraîchit et ce qui peut me noyer, le feu réchauffe mais aussi brûle, etc. »[7].

Le peuple hébreu n’est pas un peuple de la mer, l’eau douce est un bienfait, la mer est un danger. Ceci apparaît dans l’Ancien Testament, le songe de Daniel qui voit les quatre vents soulever la mer, quatre bêtes énormes en sortir, un lion, un ours, une panthère, et une sorte de dragon aux dents de fer avec dix cornes (Dn 7, 2-3). Ce songe survient la première année du règne de Balthazar, roi de Babylone, juste après le chapitre où Daniel se fait jeter dans la fosse aux lions pour avoir continué de prier Dieu, ce qui avait été interdit sur ordre – contraint – du roi Darius. Ou Jonas avalé par un grand poisson qui se sent tiré vers la mort (Jonas, 2, 6-7).

Lorsque Dieu propose à son ami Job une visite de la création, il parle de son geste créateur comme d’un arrêt posé à la menace des flots. Alors que Job et ses amis discouraient sur l’origine du mal, Dieu répond en se présentant comme une digue qui cantonne l’orgueil des flots afin que la terre puisse demeurer habitable. Dans Job Dieu commande aux nuages (Jb 26, 8; 37, 12) ; à la pluie (Jb 28, 26 et 37, 6) ; à la grêle (Jb 38, 23).

Dans le Nouveau Testament les apôtres sont affolés par la tempête (Mt 8, 24-26). Mais chaque fois Dieu sauve les hommes, comme dans Jb 38, 8-11, le psaume 107, 23-28, et dans l’Apocalypse la mer disparait (Ap 21, 1).

La mer menaçante dans le songe de Daniel :

La première année du règne de Balthazar, roi de Babylone, Daniel eut, sur son lit, un songe et des visions dans son esprit. Alors, il mit le songe par écrit.

Daniel prit la parole et dit : « Au cours de la nuit, dans ma vision, je regardais. Les quatre vents du ciel soulevaient la grande mer. Quatre bêtes énormes sortirent de la mer, chacune différente des autres…. (Dn 7,2-3).

Jonas.

Les eaux m’arrivent à la gorge tandis que les flots de l’abîme m’encerclent ; les algues sont entrelacées autour de ma tête. Je suis descendu jusqu’à la matrice des montagnes ; à jamais les verrous du pays de la Mort sont tirés sur moi. (Jonas 2, 6-7).


Dans le livre de Job Dieu réaffirme son pouvoir sur les flots.

Qui a fermé la mer avec des portes, Quand elle s’élança du sein maternel;
Quand je fis de la nuée son vêtement, Et de l’obscurité ses langes;
Quand je lui imposai ma loi, Et que je lui mis des barrières et des portes;
Quand je dis: Tu viendras jusqu’ici, tu n’iras pas au-delà; Ici s’arrêtera l’orgueil de tes flots?
(Jb 38 , 8-11).

Quelqu’un ferma deux battants sur l’Océan quand il jaillissait du sein maternel… J’ai brisé son élan par mon décret, j’ai verrouillé les deux battants et j’ai dit : “Tu viendras jusqu’ici, pas plus loin ; là s’arrêtera l’insolence de tes flots !” (Jb 38, 8-11).

Dieu commande aux flots.

Ceux qui étaient descendus sur la mer dans des navires, Et qui travaillaient sur les grandes eaux, Ceux-là virent les œuvres de l’Éternel Et ses merveilles au milieu de l’abîme. Il dit, et il fit souffler la tempête, Qui souleva les flots de la mer. Ils montaient vers les cieux, ils descendaient dans l’abîme; Leur âme était éperdue en face du danger. Saisis de vertige, ils chancelaient comme un homme ivre, Et toute leur habileté était anéantie.Dans leur détresse, ils crièrent à l’Éternel, Et il les délivra de leurs angoisses; Il arrêta la tempête, ramena le calme, Et les ondes se turent. (Ps 107, 23-28).

Jésus apaise la tempête sur la mer de Galilée,

…Et voici, il s’éleva sur la mer une si grande tempête que la barque était couverte par les flots. Et lui, il dormait. Les disciples s’étant approchés le réveillèrent, et dirent : Seigneur, sauve-nous, nous périssons ! Il leur dit : Pourquoi avez-vous peur, gens de peu de foi ? (Mt 8, 24-26).

Commander aux flots, apaiser la tempête, est un rêve des humains depuis toujours[8] :

« Repousser du rivage la mer impérieuse, resserrer les limites de l’humide étendue et la refouler bien loin sur elle-même… Voilà mon désir » (Goethe, Le second Faust, trad. Perchat). Bachelard commente :  » Commander à la mer est un rêve surhumain. C’est à la fois une volonté de génie et une volonté d’enfant. »

Mais ce rêve serait-il un appel intérieur ? Comme l’écrit Edgar Quinet[9] dans son poème sur Merlin l’Enchanteur :  » Que fais-tu pour apaiser une mer en fureur ? Je contiens ma colère. »

N’ayez pas peur est une formule célèbre depuis que Jean-Paul II la prononce lors de son intronisation le 22 octobre 1978, c’est bien un appel intérieur. Mais ne faut-il pas apprendre à avoir peur ? Non de la mort, qui sera l’occasion de notre rencontre avec notre Seigneur et Créateur, mais de la tempête, de la mer qui monte et submerge les rivages, de la destruction de la biosphère et de la menace de la sixième extinction ? C’est ce que défendent par exemple Hans Jonas[10] et Jean-Pierre Dupuis.

Le déluge, source de mort et de nouvelle vie

Pourquoi le déluge ? Parce que les hommes s’écartent de Dieu. C’est le moyen choisi par Dieu pour détruire ce monde corrompu, à l’exception de quelques personnes et de couples d’animaux. C’est une destruction mais aussi une renaissance puisque les enfants de Noé repeupleront ensuite toute la Terre.

L’Éternel vit que la méchanceté des hommes était grande sur la terre, et que toutes les pensées de leur cœur se portaient chaque jour uniquement vers le mal.
L’Éternel se repentit d’avoir fait l’homme sur la terre, et il fut affligé en son cœur. […]
Et moi, je vais faire venir le déluge d’eaux sur la terre, pour détruire toute chair ayant souffle de vie sous le ciel; tout ce qui est sur la terre périra.
(Gn 6, 5-6 et 17).

Dieu se souvint de Noé, de tous les animaux et de tout le bétail qui étaient avec lui dans l’arche; et Dieu fit passer un vent sur la terre, et les eaux s’apaisèrent.
Les sources de l’abîme et les écluses des cieux furent fermées, et la pluie ne tomba plus du ciel. Les eaux se retirèrent de dessus la terre, s’en allant et s’éloignant, et les eaux diminuèrent au bout de cent cinquante jours.
(Gn 8, 2-4.)

Quels enseignements pour nous aujourd’hui ? Nous nous approchons, lentement au regard du temps des hommes, très rapidement au regard des temps géologiques, de la sixième extinction de la biodiversité. Certains ont déjà construit leur arche de Noé et attendent l’effondrement, soit en cultivant leur jardin (les survivalistes), soit (les patrons de la high-tech[11]) en continuant à faire des affaires tant que c’est possible tout en se construisant des refuges dans les iles, en Nouvelle Calédonie ou en Patagonie. Ont-ils été choisis par Dieu ?

Selon la Bible, le déluge dura 40 jours et les eaux se retirèrent au bout de 10 mois (Gn 8, 4), l’humanité renaît à partir des trois fils de Noé (Gn 9-10).

Combien de temps faudrait-il pour faire renaître la vie sur l’ensemble de la Terre ? Lors de la dernière extinction, il y a 60 millions d’années, cela a pris environ 5 millions d’années pour qu’un renouveau de la biodiversité soit significatif, et plusieurs dizaines de millions d’années pour une nouvelle biodiversité[12]. Selon certains auteurs ce délai pourrait être plus rapide, de 1 à 8 millions d’années. Il n’est pas sûr que l’homme existe toujours à ce moment-là ? Noé aurait vécu 950 ans, l’humanité devrait survivre pendant plusieurs millions d’années ? Il vaudrait mieux éviter de provoquer cet événement, mais il est déjà fortement engagé. Après le déluge Dieu avait promis de ne plus détruire la Terre. Aujourd’hui c’est nous qui la détruisons.

L’eau une frontière

Toute frontière est à la fois obstacle et passage[13]. L’eau est dans la Bible un obstacle, mais qui devient un passage avec l’aide de Dieu. Deux événements sont relatés au cours de l’exode. Le passage de la Mer de Joncs, connu comme le passage de la mer Rouge avec Moïse, puis le passage du Jourdain avec Josué, que résume Antoine Nouis[14] :

« La première [traversée des eaux] est la traversée de la mer des Joncs[15]. Dans le récit biblique, elle se présente comme une barrière infranchissable. Dans sa fuite, le peuple est coincé entre la mer devant et l’armée de Pharaon derrière, il ne peut plus fuir. Dieu le libère en ouvrant les eaux : « Les fils d’Israël pénétrèrent au milieu de la mer à pied sec, les eaux formant une muraille à leur droite et à leur gauche » (Exode 14, 22). La traversée de la mer est une traversée de la mort pour accéder à la liberté, le franchissement d’une frontière pour quitter la terre de servitude.

La seconde est la traversée du Jourdain sous la conduite de Josué, qui correspond à la fin de l’exode et au commencement de la conquête au moment de l’entrée en terre promise. Pour faire écho à la mer des Joncs, le texte nous dit : « Les eaux qui descendent d’amont s’arrêtèrent, elles se dressèrent en une seule masse… furent complètement coupées, et le peuple traversa en face de Jéricho » (Josué 3, 16). Le peuple a traversé le Jourdain à sec et a mis les pieds sur la terre qui avait été promise à ses ancêtres.

Ces deux récits sont une coupure des eaux de la mort pour permettre au peuple d’accéder à la vie. »

Moïse étendit sa main sur la mer. Et l’Eternel refoula la mer par un vent d’orient, qui souffla avec impétuosité toute la nuit; il mit la mer à sec, et les eaux se fendirent. Les enfants d’Israël entrèrent au milieu de la mer à sec, et les eaux formaient comme une muraille à leur droite et à leur gauche. Les Egyptiens les poursuivirent; et tous les chevaux de Pharaon, ses chars et ses cavaliers, entrèrent après eux au milieu de la mer. (Exode 14, 21-23).

Dès que les prêtres qui portent l’arche de l’Éternel, le Seigneur de toute la terre, poseront la plante des pieds dans l’eau du Jourdain, l’eau du Jourdain qui descend s’arrêtera comme s’il y avait une digue. (Josué 3, 13-17).

Dans la Bible, au cours de l’exode, point de frontière infranchissable, Dieu aide à les traverser.

Qu’en est-il pour nous? Depuis les années 1950 un mouvement important de libéralisation des échanges commerciaux a eu lieu, sous le contrôle de l’OMC, mais les frontières se ferment de plus en plus aux hommes avec la construction de murs et de clôtures de barbelés. Dieu viendra-t’il au secours des exilés qui tentent de passer la frontière du Mexique, de l’Italie ou du Bangladesh ? Comment ? Par l’intervention d’hommes et de femmes engagés pour aider à passer les frontières, comme dans la vallée de la Roja dans les Alpes, pour les accueillir. Le principe de l’accueil inconditionnel est une forme profondément incarnée de la charité, et de l’espérance.

L’eau dissout, lave et purifie

L’eau purifie

Dans l’Ancien Testament l’eau guérit des maladies et guérit du péché. Elle guérit des maladies, le général syrien[16] que le prophète envoie se laver dans le Jourdain (2 Rois 5). Elle guérit du péché (Ps 51, 9 ; Ex 12, 22 ; Lv 14, 4-7.49-52 ; Éz 36, 25). L’eau peut aussi purifier « tout ce qu’elle touche » comme chez Ezéchiel qui voit l’eau jaillir du côté droit du temple, qui assainit tout ce qu’elle touche (Ez 47, 1-12).

L’eau peut aussi purifier par l’élimination du mauvais comme dans le déluge, où les impies sont engloutis.

Dans le Nouveau Testament Jésus guérit le paralytique sans même le plonger dans l’eau (Jn 5,1-4). L’eau peut aussi laver les yeux de l’aveugle qui est déjà guéri par Jésus (Jn 9, 7-11). Le symbole de l’eau qui purifie est présent, mais virtuelle, c’est Jésus qui guérit.

Dans le lavement des pieds, Jésus associe trois dimensions, sanitaire (laver les pieds salis par la poussière), spirituelle (laver les péchés), et appel au service (le serviteur n’est pas plus grand que son seigneur) (Jn 13, 1).

L’eau guérit le malade

Les fleuves de Damas, l’Abana et le Parpar, ne valent-ils pas mieux que toutes les eaux d’Israël? Ne pourrais-je pas m’y laver et devenir pur? Et il s’en retournait et partait avec fureur. Mais ses serviteurs s’approchèrent pour lui parler, et ils dirent: Mon père, si le prophète t’eût demandé quelque chose de difficile, ne l’aurais-tu pas fait? Combien plus dois-tu faire ce qu’il t’a dit: Laves-toi, et tu seras pur! Il descendit alors et se plongea sept fois dans le Jourdain, selon la parole de l’homme de Dieu; et sa chair redevint comme la chair d’un jeune enfant, et il fut pur. (2 R 5, 12-14).

L’eau guérit du péché

Un verset du psaume dit «ôte mon péché avec l’hysope» (Ps 51, 9). L’hysope[17] est une plante dont on fait un bouquet que l’on trempe dans l’eau ou le sang, et avec lequel on asperge les gens, les maisons, les objets (Ex. 12, 22 ; Lév. 14, 4-7.49-52).

«Je répandrai de l’eau pure et vous serez purs. Je vous purifierai de toute vos iniquités et de toutes vos idoles». (Éz. 36, 25).

L’eau symbole du service

« Vous m’appelez Maître et Seigneur; et vous dites bien, car je le suis. Si donc je vous ai lavé les pieds, moi, le Seigneur et le Maître, vous devez aussi vous laver les pieds les uns aux autres; car je vous ai donné un exemple, afin que vous fassiez comme je vous ai fait. En vérité, en vérité, je vous le dis, le serviteur n’est pas plus grand que son seigneur, ni l’apôtre plus grand que celui qui l’a envoyé. Si vous savez ces choses, vous êtes heureux, pourvu que vous les pratiquiez » (Jn 13, 1).

« L’eau courante[18], l’eau jaillissante est primitivement une eau vivante. C’est cette vie, qui demeure attachée à sa substance, qui détermine la purification. »

Cette notation nous semble importante, le pouvoir purifiant étant généralement reçu comme acquis. Et si ce pouvoir venait de la nature vivante de l’eau ? La vie serait élargie non seulement aux hommes, aux animaux et aux plantes, mais aussi à l’eau ? C’est une conception holistique de la vie.

Baptiste Morizot[19] apporte un éclairage un peu différent sur cette question, en essayant de qualifier l’eau des rivières. Elle n’est pas vivante au sens biologique (biotique), mais la rivière agit, creuse, comble, transporte, et réagit aux aménagements effectués par l’homme ou les castors. Elle transforme le paysage, plus que ne peuvent le faire les minéraux solides ou la plupart des animaux. L’homme peut dialoguer avec la rivière, non pas en paroles, mais en acte. Se référant à Canguilhem et Wittgenstein, Morizot propose de qualifier la rivière comme « écosystème des relations biotique/biotique » (n° 543), « plus proche d’un être vivant que d’une machine fonctionnelle ou d’un amas biotique sans normativité interne. » (n° 550). Il critique la posture d’intendance (Gn 2) à propose celle d’alliance (n° 855). Quand le pape François nous appelle à restaurer une triple relation avec Dieu, avec le prochain et avec la Terre (Laudato si 66), on pourrait considérer qu’il établit une équivalence entre ces trois relations ? C’est une relation d’amour avec Dieu et avec les autres, ce doit donc être une relation d’amour avec la nature. Ce qui n’est pas possible si nous nous considérons comme les intendants.

C’est une invitation à considérer l’eau de la rivière comme une interlocutrice, partie comme nous de la Création. L’eau n’est pas seulement une ressource, c’est une partenaire, une alliée dans ce monde. Respectons-la.

Les eaux polluées

Autant l’eau pure est présente dans la Bible, autant l’eau polluée apparaît plus rarement, mais alors toujours polluée volontairement par Dieu ou avec l’appui de Dieu.

Qu’elle apparaisse rarement est compréhensible, le peuple hébreu n’avait pas encore inventé les produits chimiques qui polluent les eaux. Que Dieu pollue l’eau pour punir les hommes nous interroge. Avons-nous pris la place de Dieu ?

Quand l’eau n’est pas buvable cela peut être pour des raisons géologiques comme les eaux amères de Mara (Ex 15, 23) – mara a la même origine qu’amertume – ou les eaux salées de la Araba (Dt 4:49). Dans ce cas Dieu les rend propres en jetant un bâton dans les eaux de mara. Ce sont aussi les troupeaux qui transforment l’eau de pluie en boue (Ez 34, 18-19), mais nous ne nous attarderons pas sur ce passage.

Quand l’eau est souillée c’est par la volonté de Dieu avec l’utilisation d’un phénomène naturel vu comme divin (le Nil rouge qui est dit plein de sang, mais qui en fait charrie du limon suite à de fortes pluies) contre les Égyptiens (Ex 7, 17-18), une malédiction contre les prophètes de Jérusalem (Jr 23, 15), un piège tendu par le roi d’Israël contre le roi de Moab (2 R 3, 19 ; Is 15, 9). Ce sont enfin les anges dans l’apocalypse qui rendent l’eau impropre en y versant de l’absinthe.

Voici donc ce que dit Jéhovah: A ceci tu connaîtras que je suis Jéhovah: je vais frapper les eaux du fleuve avec le bâton qui est dans ma main, et elles seront changées en sang.(Ex 7, 17-18).

Un piège tendu par le roi d’Israël contre le roi de Moab dans la lutte entre le roi de Moab et les 3 rois d’Israël, de Juda et d’Edom.

Au matin, quand ils se levèrent, le soleil brillait sur les eaux ; les gens de Moab virent devant eux les eaux rouges comme le sang.

Ils dirent : « C’est du sang ! Sûrement, les rois se sont entre-tués à coups d’épée, ils se sont frappés l’un l’autre. Maintenant, au pillage, Moab ! »

Ils s’approchèrent du camp d’Israël. Ceux d’Israël se dressèrent, ils frappèrent ceux de Moab qui s’enfuirent devant eux, et ils les pourchassèrent. (2 R3, 20-24).

Un empoisonnement par la volonté de Dieu

Mais dans les prophètes de Jérusalem j’ai vu des choses horribles; Ils sont adultères, ils marchent dans le mensonge; Ils fortifient les mains des méchants, Afin qu’aucun ne revienne de sa méchanceté; Ils sont tous à mes yeux comme Sodome, Et les habitants de Jérusalem comme Gomorrhe.

C’est pourquoi ainsi parle l’Éternel des armées sur les prophètes: Voici, je vais les nourrir d’absinthe, Et je leur ferai boire des eaux empoisonnées; Car c’est par les prophètes de Jérusalem Que l’impiété s’est répandue dans tout le pays. (Jr 23, 14-15).

Moïse fit partir les fils d’Israël de la mer des Roseaux, et ils sortirent en direction du désert de Shour. Ils marchèrent trois jours à travers le désert sans trouver d’eau.
Ils arrivèrent à Mara mais ne purent boire l’eau de Mara car elle était amère ; d’où son nom de « Mara ».
Et le peuple récrimina contre Moïse en disant : « Que boirons-nous ? »
Alors Moïse cria vers le Seigneur, et le Seigneur lui montra un morceau de bois. Moïse le jeta dans l’eau, et l’eau devint douce. C’est là que le Seigneur leur fixa un statut et un droit, là où il les mit à l’épreuve.
(Ex 15, 22-25).

La définition de l’eau pure devient de plus en plus incertaine. Une partie de la population française (818 000 personnes) a été alimentée par de l’eau du robinet dont le taux de nitrates a été au moins une fois supérieur au seuil dans l’année 2012[20]. Entre 1980 et 2019, 12 500 captages ont été fermés du fait de l’abandon de certains équipements ou de pollutions ponctuelles et la France ne compte plus que 33 000 captages, ce qui pose des problèmes de disponibilité des ressources en eau. Et, plus grave sans doute, la recherche des produits dégradés des herbicides et pesticides (les PFAS, qui peuvent avoir des effets sur le système nerveux et notre reproduction) ne fait que commencer, que déjà la moitié de la population française pourrait alimentée par une eau non conforme[21] .

On ne détaillera pas ici la question de cette pollution par les PFAS (substance per- et poly fluoroalkykylées), mais retenons trois points:

  • Ces métabolites n’ont commencé à être recherchés qu’après la publication d’une étude allemande de 2020,
  • Ils ne se dégradent pas, d’où leur appellation de polluants éternels, et leur concentration ne fait qu’augmenter tant que les produits qui les génèrent ne seront pas interdits (herbicides et pesticides), au moins autour des zones de captage,
  • Le seuil de dangerosité n’est pas connu,  0,1 µg/litre, 2,2 µg/litre comme aux Pays-Bas 60 µg/litre comme en Allemagne ? On est en plein dans le sujet du principe de précaution inspiré des travaux de Hans Jonas et rappelé par le pape François[22].

Nous polluons l’eau source de vie et, avec les PFAS, pour « l’éternité ». Ce n’est pas l’éternité promise, ce n’est pas l’eau qui purifie, au contraire. C’est un appel de plus à respecter l’eau et la Création.

L’eau et l’esprit

On distingue dans l’Ancien Testament deux types d’expression de la relation de Dieu avec l’eau donnée aux hommes.

1/ Dieu envoie de l’eau pour nourrir la terre du peuple choisi ou qui lui est fidèle Dt 11, 10-15
Is. 41, 18.

2/ Dieu protège l’homme comme l’eau abreuve la terre, avec comme exemples l’arbre auprès du ruisseau, le jardin arrosé, les brebis dans le pré. Le mot important est « comme ». Is 44, 2-3 ; Jr 17, 7-8 ; Ps 1, 1-3 ; Ps 152, 6.

Dans l’Ancien Testament, l’eau donnée par Dieu est un élément vital qui nourrit les êtres vivants : l’homme, les brebis l’arbre… elle est un élément de la nature donc de la création, un don de Dieu donné à tous. L’eau abreuve l’homme dans ses dimensions corporelle et spirituelle[23].

L’homme fait partie de l’ensemble des vivants que l’eau irrigue et nourrit, et l’homme est nourri aussi par l’esprit de Dieu qui est comme un souffle (ruah en hébreu que l’on traduit à défaut par esprit).L’eau est un élément vital pour la nature et pour l’homme.

Dans le Nouveau Testament l’eau devient symbole de vie en Dieu et dans l’évangile de Jean en particulier de vie dans l’Esprit. L’eau « nature » devient un symbole du passage de la mort à la vie. 

Assurément, si vous écoutez bien mes commandements, ceux que je vous prescris aujourd’hui, si vous aimez le Seigneur votre Dieu, et le servez de tout votre cœur et de toute votre âme, Je donnerai à votre pays la pluie en son temps, pluie d’automne et pluie de printemps, et tu récolteras ton froment, ton vin nouveau et ton huile fraîche, Je mettrai dans ton champ de l’herbe pour ton bétail. Tu mangeras et tu seras rassasié. (Dt 11, 13-15).

Béni soit l’homme qui met sa foi dans le Seigneur, dont le Seigneur est la confiance. Il sera comme un arbre, planté près des eaux, qui pousse, vers le courant, ses racines. Il ne craint pas quand vient la chaleur : son feuillage reste vert. L’année de la sécheresse, il est sans inquiétude : il ne manque pas de porter du fruit. (Jr 17 ; 7-8).

Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi. Et qu’il boive, celui qui croit en moi. (Jn 7, 37-38).

Le lien entre le naturel et le spirituel est explicite chez Is 32, 15-20 : le désert deviendra un verger, et dans le verger s’établira la justice, et le fruit de la justice sera la paix. L’esprit de Dieu irrigue l’homme et la terre, et sur la terre irriguée, devenue verger, s’établira le droit, la justice et la paix. Et même si la forêt et la ville sont détruites, « heureux serez-vous de semer partout où il y a de l’eau. »

Cette association s’explique bien sûr par le mode de vie du peuple hébreu, mode de vie agricole dans des contrées fortement dépendantes de la pluie.

On assiste ensuite à un glissement progressif de Dieu qui fait pleuvoir pour nourrir le peuple choisi, à Dieu qui répond à la soif spirituelle de l’homme comme le ruisseau arrose les arbres, enfin un Dieu centré sur la dimension spirituelle de la demande de l’homme, sans plus de relation avec les vivants non-humains qui aussi ont besoin d’eau. Le Nouveau Testament est pourtant situé dans le même type de civilisation agraire que l’Ancien Testament. Ce n’est pas le contexte qui explique cette évolution. La coupure naturaliste[24] a opéré.

Aucune relation n’est faite dans le Nouveau Testament avec l’eau nourricière (sauf dans le dialogue avec la Samaritaine, mais c’est pour dire que celui qui croit n’aura plus jamais soif) alors que la relation est constante dans l’Ancien Testament. Dans les Évangiles l’eau purifie par le baptême (le corps plongé dans l’eau est purifié), apaise la soif spirituelle (la Samaritaine), ou sert de support à la manifestation de la divinité de Jésus (Cana, marche sur les eaux, la pêche miraculeuse).

D’autres passages des Évangiles prennent la nature comme exemple, le lis des champs, les oiseaux du ciel, le grain semé, la vigne, les brebis, les greniers inutiles, le figuier stérile, le sel…mais sans référence à l’eau. Comme si l’eau, devenue vecteur spirituel, n’était plus un élément nourricier de la nature ?

Est-ce un progrès ? Peut-être pas aujourd’hui. Comme le dit le pape François, il nous faut écouter tant la clameur de la terre que la clameur des hommes. Dieu ne tend-il l’oreille qu’à la clameur des hommes, l’esprit de Dieu qui irrigue l’esprit de l’homme est-il devenu sourd à la clameur de la terre ? Il nous revient de retrouver la force originelle de l’eau, nous ne sommes pas de purs esprits.

L’eau un bien commun

L’accès à l’eau est décrit comme un droit ouvert à tous, « Venez vers l’eau, même si vous n’avez pas d’argent » (Is 55, 1 et Ap 21, 6). C’est un appel, l’eau est alors utilisée au sens allégorique de la parole de Dieu.

En revanche le refus d’accès à l’eau est une faute (Dt 23, 5 ; Jb 22, 7 ; Mat 25, 42), le don de l’eau à celui qui demande est valorisé dans le Jugement dernier (Mat 25, 35), et il s’agit alors de l’eau physique, symbole du 2ème commandement, Tu aimeras ton prochain comme toi-même (Marc 12, 30).

Venez vers l’eau. Même si vous n’avez pas d’argent, venez. (ls 55, 1).

À celui qui a soif, je donnerai de la source d’eau vive, gratuitement (Ap 21, 6).

Malheur à celui qui refuse de l’eau, (Jb 22, 7; Dt 23, 5).

J’avais soif et vous m’avez donné à boire, (Mat 25, 35).

L’eau est un bien commun, c’est-à-dire qu’elle est un besoin vital pour tous, et qu’elle n’est pas produite par l’homme, elle est mise à disposition ce qui n’est pas la même chose.

En 2021, le prix moyen de l’eau en France était de 4,34 € par mètre cube, toutes taxes comprises, dont 2,13 € couvrent le coût de production et de distribution de l’eau potable et 2,21 € celui de l’assainissement collectif (d’après OFB, 2023)[25].
L’eau en bouteille de 1,5 litre coûte en moyenne 0,47 € par litre, 470 €/m3, soit 100 fois plus que l’eau du robinet, sans garantie qu’elle soit meilleure. Les sources sont privatisées, le consommateur paie le coût d’accès et le coût de traitement.

Vous m’avez donné à boire, dit Jésus. Pourrons-nous encore donner à boire si l’eau se raréfie et devient de plus en plus chère ? Quelle est cette société qui privatise ce qui nous est donné, l’eau, la terre, bientôt l’air (comme au Japon). Malheur à celui qui refuse de l’eau, souvenons-nous de cette parole.

L’eau se transforme

L’eau a la capacité d’être transformée en sang comme dans les sept plaies d’Egypte,

L’eau du Nil est changée en sang (Ex 7, 14-24). C’est la première plaie d’Égypte, le premier élément avec lequel Dieu frappe le peuple égyptien.

A Cana, Jésus change l’eau en vin (Jn 2). Les convives et le maître de cérémonie ne savent pas ce qu’il se passe. C‘est le premier signe de la divinité de Jésus .

Ainsi parle l’Éternel: A ceci tu connaîtras que je suis l’Éternel. Je vais frapper les eaux du fleuve avec la verge qui est dans ma main; et elles seront changées en sang. Les poissons qui sont dans le fleuve périront, le fleuve se corrompra, et les Égyptiens s’efforceront en vain de boire l’eau du fleuve. (Ex 7, 14-24).

Jésus dit à ceux qui servaient : « Remplissez d’eau les jarres. » Et ils les remplirent jusqu’au bord.
Il leur dit : « Maintenant, puisez, et portez-en au maître du repas. » Ils lui en portèrent.
Et celui-ci goûta l’eau changée en vin. Il ne savait pas d’où venait ce vin, mais ceux qui servaient le savaient bien, eux qui avaient puisé l’eau. Alors le maître du repas appelle le marié.
(Jn 2, 7-9).

Le second versa sa coupe dans la mer. Et elle devint du sang, comme celui d’un mort; et tout être vivant mourut, tout ce qui était dans la mer. Le troisième versa sa coupe dans les fleuves et dans les sources d’eaux. Et ils devinrent du sang. (Ap 16, 3-4).

L’eau transformée en vin nous évoque Jésus qui invite ses disciples à boire son sang.

Il prit ensuite une coupe; et, après avoir rendu grâces, il la leur donna, en disant: Buvez-en tous; car ceci est mon sang, le sang de l’alliance, qui est répandu pour plusieurs, pour la rémission des péchés. (Mat 26-28).

Nous sommes face à trois transformations, l’eau qui est transformée soit en sang, soit en vin, et le vin de la Cène qui est transformé en sang du Christ. Ces transformations illustrent le caractère liquide de l’eau. C’est un thème de méditation, la notion de liquide est aujourd’hui utilisée pour qualifier une société devenue liquide, c’est-à-dire dont les structures sont moins solides, les liens sociaux plus faibles (Zygmunt Bauman[26]).
Le liquide peut dissoudre, mais s’il dissout la société nous perdons notre prochain. Le liquide peut aussi nous conduire vers une société plus proche du Royaume de Dieu, comme la rivière irrigue les pâturages. A nous de choisir.

L’eau un appel à la conversion

Notre corps est composé de 60 % d’eau, de l’eau apparue sur la Terre il y a 4 milliards d’années, l’eau nous constitue et fait mémoire en nous de notre origine. L’eau est le symbole d’un appel à la conversion sous de multiples aspects.

C’est l’eau que l’on traverse pour aller vers la Terre promise.
L’eau qui nous transforme et qui se transforme en vin, qui évoque le sang du Christ.
C’est l’eau promise mais qui aussi peut nous châtier. Le déluge.
C’est l’eau nécessaire à la vie et qui déjà manque à plus de 800 000 habitants sur la Terre[27], un appel à la conversion de nos modes de vie qui rejoint les dimensions spirituelles de la conversion par l’eau.


[1] Vincent Lemire, La soif de Jérusalem. Essai d’hydrohistoire, Publications de la Sorbonne, 2010. https://books.openedition.org/psorbonne/779

[2] Vincent Lemire, op. citum.

[3] Global water cycle shifts far beyond pre-industrial conditions – planetary boundary for freshwater change transgressed, EarthArXiv, Janvier 2024.

[4] https://www.eaufrance.fr/repere-empreinte-eau-de-la-consommation-francaise

[5] https://www.irenees.net/bdf_fiche-analyse-531_fr.html

[6] https://www.novethic.fr/actualite/environnement/eau/isr-rse/la-guerre-de-l-eau-est-une-autre-facette-de-l-affrontement-entre-israel-et-les-palestiniens-151809.html

[7] Antoine Vidalin, Qu’est-ce que le sens littéral ?NRT 141-3 (2019), p. 381-394 .

[8] Gaston Bachelard, L’eau et les rêves, José Corti, 2021, p. 202, citation de Goethe p. 421.

[9] Edgar Quinet, Merlin l’Enchanteur, t.I, p. 12, cité par Bachelard, p. 200.

[10] Hans Jonas, Le principe responsabilité, Flammarion, 2009 ;  Jean-Pierre Dupuy, Pour un catastrophisme éclairé, Seuil, 2004.

[11] Reporterre, 22 janvier 2024.

[12] Jacques Blondel, La biodiversité sur la flèche du temps, Natures Sciences Sociétés, 2005/3, vol.13.

[13] Voir Francisco Varela et le concept de clôture organisationnelle.

[14] Antoine Nouis, pasteur de l’Église réformée unie de France, La Croix le 27/04/2020.

[15] La mer des Joncs, appelée aussi mer des Roseaux (hébreu יַם־סוּף, yam-souf) est, selon la Bible, une étendue d’eau traversée par les Hébreux lors de leur sortie d’Égypte. La traduction grecque ancienne des Septante l’a identifiée à la mer Rouge (grec ἐρυθρὰ θάλασσα, érythra thalassa)1, ce qui s’est répercuté plus tard sur diverses éditions des bibles chrétiennes. Diverses localisations ont été proposées depuis, dont le ka du delta du Nil, le Grand Lac Amer, un bras de mer dans le golfe d’Eilat ou le lac Menzaleh (ou « lac de Tanis »). Wikipedia.

[16] Cité par Innocent Himbaza, https://www.cath.ch/newsf/leau-un-element-essentiel-de-la-bible-selon-innocent-himbaza/FR_CH

[17] Innocent Himbaza.

[18] Bachelard, op. citum, p. 162.

[19] Baptiste Morizot et Suzanne Husky, Rendre l’eau à la terre, Actes Sud, 2024.

[20] Sante.gouv.fr Bilan de la qualité de l’eau du robinet du consommateur vis-à-vis des pesticides en 2022. décembre 2023.

[21] La Croix, 24 janvier 2025, Le Monde 16 octobre 2024, 13 et 19 novembre 2024.

[22] Laudato si, n° 186.

[23] Et pour cause puisque la distinction n’existe pas en hébreu car le mot âme n’existe pas.

[24] Philippe Descola, Par-delà nature et culture, Gallimard, 2005

[25] https://www.eaufrance.fr/le-prix-de-leau.

[26] Zygmunt Bauman , Le présent liquide, Seuil, 2007.

[27] 700 millions de personnes n’ont pas accès à l’eau potable. 2,1 milliards de personnes n’ont pas accès à l’eau potable salubre à leur domicile et plus du double ne disposent pas de services d’assainissement sûrs. Source Unicef et OMS.

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